jeudi 29 avril 2010

Le quotidien en PME : Episode 2 - Mon nouveau job

     Alors voila, j'arrive dans mon nouveau job. 25 ans, plein d'envies, apprendre, progresser, croire dans le french way of life qui te dit que si tu bosses ben toi aussi tu peux grimper sur l'échelle sociale (bon quand je dis cela j'y croyais déjà qu'à moitié), fin de la petite parenthèse.
     Je découvre ma nouvelle fonction à laquelle il faut trouver un nom, parce que c'est tellement peu clair, alors on opte pour responsable produits. De l'avis de tous ça ne veut rien dire pour une entreprise comme The PME, mais résumons, je suis là pour :
  • m'occuper des approvisionnements, donc acheteur,
  • gérer les stocks matières premières, donc gestionnaire de stocks,
  • développer les nouveaux produits,
  • servir d'interface entre ateliers / administration / commercial,
  • développer le site Internet,
  • mettre en place les nouvelles normes,
  • éventuellement servir d'assistant de direction,
  • . . . .
     Bon, ça fait d'emblée un planning bien chargé, mais au début on s'en rend pas trop compte on est plein de courage et on a envie de faire ses preuves. . .

Le quotidien en PME : Episode 1 - Arrivée dans The PME

     Etudiant dans une formation professionnelle en alternance après X années inutiles en faculté, je fais différents stages en entreprise dont le dernier dans The PME. 
      Elle est florissante car sur un secteur d'activité peu concurrentiel et ça rapporte un max (vraiment un max). Créée de toute pièce par 2 personnes, une, nous l'appellerons Roger, déjà introduite dans ce secteur d'activité  et qui avait senti toute la demande non satisfaite, et l'autre cherchant sa voie mais avec un petit pactole à investir au démarrage (famille oblige), nous l'appellerons JeanJean. Bien sur structuration de The PME comme toute les autres, SCI, montage familial . . . bref rien d'extraordinaire.
      Au bout d'un certain temps JeanJean ne supporte plus son associé Roger, évidemment comment tolérer ne pas être roi en son royaume, alors rachat des parts et chacun fait sa route tout en collaborant mais franchement de quoi être fier du travail accompli ensemble, l'un devant à l'autre une partie de sa réussite et vice versa.
      D'ailleurs je crois que c'est ça la réussite : trouver un créneau qui rapporte au moment où il faut, avec les bons associés qui vous fournissent le carnet d'adresse ou le réseau, mais bon après il faut être capable de faire durer le plaisir.
      Voilà j'arrive à ce moment là, petit stagiaire à qui on demande de mettre en place un système de gestion commerciale et production. Mission réussie, content de mon stage chez The PME, au revoir tout le monde,  je pars pour mon futur travail dans une autre région (cool hein, j'ai pas connu le chômage). Du délire, des heures à n'en plus finir et je vois vite que ça ne peut pas durer, ça pue la magouille de partout, c'est pas très sain tout ça. Alors je commence à chercher un autre emploi et là appel de The PME qui me demande de venir donner un coup de main au développement de la boite. Nickel pour moi, entreprise saine, secteur d'activité en plein boum, me voilà un bel avenir qui s'ouvre devant moi, JeanJean me demande d'être son second. . . .

Planter des clous

Un passage du tome IV du "Combat Ordinaire" de Manu Larcenet :
"On ne peut pas être déçu quand on s'attend à rien. 82% des électeurs se découvrent des opinions et tout le monde trouve cela extraordinaire. Moi je trouve cela inquiétant. 35 ans de militantisme m'ont laminés les idées, c'est pas un beau paradoxe ça ? Le militant par définition ne peut se remettre en question, ni avoir tort et ça c'est le plus haut degré de la malhonnêteté intellectuelle. 
C'est ça avoir des opinions, ça permet de faire le tri du monde à peu des frais. Alors soudain le monde se sent pousser des opinions, c'est qu'on se sent concerné quand on a des opinions, on se donne l'illusion de la lutte parce que c'est à la mode, ça fait citoyen. 
Mais ce sont des luttes bon marché, qui permettent de rentrer à la maison pour le 20h. Des combats qui se résumeront à évoquer qui de Jaurès, qui de De Gaulle au diner, entre les raviolis et le caprice des dieux avant d'aller mollement glisser son bulletin dans les urnes. Je me méfie de ceux qui se découvre des élans patriotiques les soirs d'élection. C'est souvent pour se dédouaner des porter des baskets fabriquées par des enfants philippins pour aller faire du jogging au parc le dimanche matin. 
Combien d'entre nous ont suffisamment de culture pour ne serait ce que comprendre ce pour quoi ils votent ? On ne votent pas pour un système de société mais pour le reflet médiatique le plus rassurant ou pire par tradition familiale ! On peut alors s'illusionner à se croire important, c'est gratifiant mais une fois le guignol élu nous redeviendrons négligeable. Les gens ne votent pas pour que les choses changent, le changement ça fait trop peur, mais peut se le reprocher, le monde est un chaos assourdissant et sans espoir.
Par exemple les barbus, de la race millénaire des joyeux bourreaux, premiers de la classe en récitation et qui pensent sans rire et sans honte ne pas tuer des hommes en tuant des "mécréants" (valable pour les autres religions officielles ne notre époque : que dire des protestants à la Bush, des catholiques ou des juifs intégristes . . .), et dans le camp d'en face les patrons de la haute finance internationale, esclaves béats de leurs propres trésors. . . Tous des bourreaux à saigner d'entiers continents, à condamner des populations comme on mets un coup de pelle sur le crâne du vieux chien devenu inutile. En voilà des gens avec des opinions, le mondes est pourri de gens avec des opinions !
Et le plat de résistance, il y a les immigrés. Ils font peur eux aussi. Une peur inchangée depuis toujours, l'étranger. Même si ce sont les premiers à mettre la main dans le ciment, ils font peur, c'est un mystère. Et puis ils sont pauvres, avoir des voisins pauvres à côté de chez soi à portée de voix, c'est un peu comme si on devenait des leurs, sans compter que ça dévalorise l'immobilier du quartier. Alors on les met ailleurs, entre eux et quand il faut ajuster le discours électoral on les renvoie chez eux. Mais c'est qu'entre temps les générations ont passé et les mômes eux, sont salement français, ils sont chez eux.
Alors on remet doucement le couvercle sur tout ça en se disant que si ça bout trop fort, il n'y aura qu'à faire de nouvelles lois et remplir les prisons avec une sévérité nouvelles.
. . . . . . . . Alors on peut se dire qu'il reste à prendre les plaisirs là où ils sont tant qu'on le peut encore, mais on ne peut pas raisonner comme ça, ça reviendrai à accepter que le résultat prime, et ceux qui pensent cela ne se soucient pas du processus et c'est pourtant le processus qui fait les civilisations. . . . . . on peut se demander quel monde pourri on laissera à nos enfants, mais aujourd'hui ce n'est plus une vue de l'esprit mais du concret."

Le quotidien en PME : Prologue

     Aujourd'hui, en arrêt maladie pour Asthénie (c'est le terme médical employé par mon médecin traitant pour dire grosse fatigue), je me suis dit que pour exorciser ma situation professionnelle, la raconter sur mon blog (que personne ne lit donc je peux le considérer comme un carnet intime) me ferait le plus grand bien (psychologiquement parlant).
     Évidemment je n'ai pas l'ambition de transcrire là le quotidien de l'ensemble des PME françaises mais je pense que tout un chacun peut y retrouver un peu de sa situation. Comment commencer cela, par ordre chronologique où par épisode les plus marquants ?
     Une chose me semble sure aujourd'hui, c'est que de part mes convictions profondes, qu'elles soient morales ou politiques, je me demande pourquoi je suis encore dans cette entreprise peut être que la réponse se trouve là.

La classe moyenne

Un peu dur mais tellement vrai : (texte original mais légèrement modifié issu d'une bande dessinée "New Byzance" Tome 1, collection Uchronie)
"Dans notre monde, le système actuel est clairement défini comme celui d'une société Ultra Libérale. Beaucoup sont persuadés qu'ils vivent l'age d'or de notre civilisation et ils en sont fiers, tout autre système leur inspire un profond mépris (d'ailleurs tout a été fait pour que toute autre solution disparaisse). Tout s'achète, tout se vend, les hommes et les femmes sont des marchandises comme les autres (ne vend on pas la force et conditions de travail des occidentaux contre celles des orientaux). On les déresponsabilise, les comptabilise, les rentabilise. Tout le monde trouve cela normal.

Les pauvres acceptent leur condition de pauvres parce qu'un présentateur télé leur explique chaque jour (chiffres à l'appui) que leur sacrifice est nécessaire à l'économie. Ils ignorent qu'ils ont été mis à la porte pour que des actionnaires (plutôt rentiers, donc parasites à mon goût) s'enrichissent davantage. Ils ignorent que l'entreprise qui les a licenciés n'était pas en déficit, que les usines dans lesquelles travaillaient leurs parents ont été délocalisées en Asie pour un meilleur rendement financier. Ils ignorent que celui qui se retrouve en dehors du système perd tout très rapidement : travail, argent, logement, amitiés, dignité, légitimité. Les gens ignorent tout cela ou plutôt continuent à faire comme si cela n'existait pas.
La classe moyenne est le noyau dur du système. C'est un rouage indispensable. Le complice idéal, doué mais guère ambitieux, laborieux mais limité, efficace mais pas revendicateur. Elle est surtout terrifiée par la perte de ses maigres avantages."
Mais je crois que la prise de conscience arrive, du moins je l'espère. Je lisais hier la lettre qu'un médecin libéral du Lot a écrit à Nico Ier pour en extraire une citation (encore) : "Je pense, en tant que médecin, que la révolution c’est comme le vaccin : de temps en temps il faut des rappels. Il y a trop longtemps maintenant que le dernier rappel a été administré."
Je conclurai en disant juste que malgré ce que veulent nous faire croire nos politiques : il y a quand même peu de chance que ceux qui s'en sont mis plein les poches jusque là nous disent : "bon les gars on a abusé mais maintenant c'est promis on arrête, on met tout à plat pour mieux répartir tout ça."

mercredi 28 avril 2010

Finance: les politiques nous mènent en bateau. C'est un trader qui le dit

La crise n'a rien changé au travail — et aux bonus — des traders. Ce qui est déjà énervant. Mais quand l'un d'entre eux explique sans ciller que les dirigeants politiques sont à la fois impuissants et inféodés à la finance mondiale, on a de quoi être glacé. C'est ce qui est arrivé à SuperNo.

Marc Fiorentino est trader, et fier de l’être. J’avais déjà parlé de lui, et pas en bien, ici.

Mais on doit au moins lui reconnaître deux choses : d’abord ne pas varier dans ses déclarations, puisqu’il affirmait déjà il y a un an que rien n’avait changé dans la finance mondiale; et de ne pas pratiquer la langue de bois lorsqu’il est devant un micro.

La preuve hier midi, chez Bernard Thomasson sur France Info. Il était invité à parler de Goldman Sachs, la plus célèbre des banques d’affaires de Wall Street. Elle est visée par un nouveau scandale, après avoir été montrée du doigt en Europe pour avoir poussé la Grèce au surendettement (avant accessoirement de spéculer sur sa chute), Goldman Sachs est désormais traînée en justice aux Etats-Unis pour avoir conseillé à des pigeons clients d’investir dans des produits financiers pourris, tandis qu’ils recommandaient à un autre client plus lucratif, un hedge fund, de spéculer à la baisse sur ce même produit.

Fiorentino commence par dédouaner d’une certaine manière Goldman Sachs, arguant du fait que son comportement, pour scandaleux qu’il soit, n’a rien de très différent de celui de ses concurrents. En gros, tout le monde fait la même chose, dans le même but : le maximum de profits dans le minimum du temps, la fin justifiant les moyens.

L’ensemble de l’interview est intéressante, mais à partir de 8mn45 environ, ça devient grandiose. Voici la retranscription intégrale de la fin.

Bernard Thomasson : «Quel avenir pour Goldman Sachs, il y a un risque réel, pour eux ?»

Marc Fiorentino : «Non, aucun, je pense qu’on va se retrouver dans une… On est dans la commedia dell’arte, hein, on est dans le grand guignol, là, tout le monde va hurler, tout le monde va pousser des cris, d’ailleurs je…»

Bernard Thomasson : «C’est pas très rassurant, ce que vous dites, parce que le G20 nous dit on va…»

Marc Fiorentino : «C’est ce que j’allais vous dire, le G20 nous dit ça depuis deux ans, je voudrais vous demander …»

Bernard Thomasson : «C’est peut-être long à mettre en place, non ?»

Marc Fiorentino : «Je voudrais vous demander ce qui a été fait depuis deux ans. On nous a dit : «on va lutter contre les hedge funds», la semaine dernière les chiffres sont parus sur les hedge funds, ils n’ont jamais autant collecté d’argent que cette année, ils sont proches de leurs records. «On va lutter contre les bonus», l’année dernière a été l’année record pour les bonus. «On va lutter contre les paradis fiscaux» : ils sont toujours là, ils sont juste passés de noir à gris puis de gris à blanc, on ne sait pas par quel miracle. «Et on va lutter pour la réglementation financière», et on vient d’assister au G20 finance ce week-end, et à la sortie du G20 finance, quel a été le communiqué ? Le communiqué a été de dire : on ne s’est mis d’accord sur rien, parce que notamment le Japon, le Canada, et l’Australie ont dit : aucune réglementation financière.»

Bernard Thomasson : «Donc les politiques nous mentent.»

Marc Fiorentino : «Les politiques nous mentent, les politiques nous abreuvent d’histoires. On a vu combien de G20, combien de déclarations d’Obama depuis qu’il est là en disant : “Attention Wall Street, tremblez, voilà, j’arrive” ? Il avait dit ça, c’était son premier discours dès qu’il avait été intronisé, il avait dit qu’il lutterait contre les bonus, et il se trouve que les bonus ont été les plus élevés»

Bernard Thomasson : «Imaginez ce que pensent les gens qui nous entendent en ce moment, ils vont se dire, mais qu’est-ce qu’il faut faire, il faut faire la révolution, il faut aller brûler des banques, faut… ?»

Marc Fiorentino : «Je suis toujours assez surpris de voir que finalement il n’y a jamais de manifestations devant les banques, je trouve ça assez étonnant.»

Bernard Thomasson : «Voilà, Marc Fiorentino, moi je suis surpris de vos propos, vous qui avez dirigé des banques américaines en Europe…»

Voilà. Et c’est un expert de la finance qui le dit. Les politiques nous mentent, les politiques sont des escrocs, les politiques ne sont là que pour mettre en place ce que les dogmes du libéralisme prévoient.

La crise financière, provoquée par la cupidité insatiable des banksters, ce sont les contribuables, les électeurs ordinaires, qui vont la payer, trois fois : une première fois en cash, pour boucher les trous en urgence. Une deuxième fois par la crise économique qui en découle. Et une troisième fois par le sabotage de ses services publics et sociaux “nécessaire” pour résorber le déficit creusé par la “crise”. Et pendant le déroulement du hold-up, les Sarkozy, les Lagarde et les Woerth monopolisent l’antenne pour expliquer que l’affaire est sous contrôle et qu’ils travaillent dans l’intérêt des gens.

Dans un pays comme la Grèce, le phénomène est très accéléré. La stupidité et la cupidité de ses dirigeants, conseillés par Goldman Sachs, a poussé le pays à la faillite. Sous prétexte de résorber le déficit budgétaire, les “Grecs d’en bas”, qui n’y sont pour rien, vont devoir payer de leurs salaires, de leurs retraites, de leurs services publics, le fruit des malversations de leurs dirigeants et des banksters.

De même la raison principale du sabotage programmé des retraites françaises n’est pas la démographie ou autres foutaises dont on nous abreuve pour faire passer la pilule, c’est la volonté de ne pas déplaire aux marchés financiers et en particulier aux agences de notation (dont l’incompétence, la corruption et la responsabilité dans la crise sont notoires) afin de continuer à pouvoir emprunter de l’argent à un taux bas.

Fiorentino l’a dit clairement, les Obama, les Sarkozy, ont brassé de l’air à grand moulinets, mais ils n’ont strictement rien changé ! Ils n’en avaient d’ailleurs aucune envie, leur seul but était de détourner l’attention des électeurs. La situation des financiers est strictement la même qu’avant la crise, leurs objectifs et leurs moyens sont strictement les mêmes. Et ce sont toujours eux qui dictent leur loi au reste du monde.

L’objectif reste à la croissance et au crédit infinis.

Et tout le monde s’en fout.

Nos politiques ? Les rois de l’enfumage et de la diversion : pendant qu’ils couvrent les agissements des banksters, et aiguisent en douce leurs couteaux contre les retraites, ils viennent de lancer, suivis en masse par l’ensemble de la presse, un débat psychédélique : «peut-on conduire avec une burqa ?» Ou alors, variante : «peut-on aller aux putes quand on est dans l’équipe de France de foot ?»

Certes, l’histoire les jugera. Mais en attendant, sommes-nous si cons que ça ? En Grèce, la révolte gronde. Un peu. Allons-nous attendre sagement que notre tour vienne ? Attendre passivement la prochaine «crise» ? Allons nous remplacer Sarkozy par DSK, qui est peut-être encore pire ? A quand, sinon la révolution, du moins, pour commencer, la première manifestation devant une banque ?

lundi 26 avril 2010

Crise: le système est au bord du gouffre? Faisons un pas en avant!

Pourquoi s'évertuer à vouloir sauver un système financier qu'on devrait plutôt remettre en cause et refonder? Le blogueur Laurent Pinsolle retranscrit les propositions d'intellectuels venus de tous bords pour concevoir la finance d'une autre façon. En lui donnant des règles.

La violence de la crise aurait dû provoquer une remise en question du système. Paradoxalement, la rapidité du sauvetage et les moindres conséquences de la crise par rapport à celle de 1929 font que rien n’avance. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir les solutions en main.

Des intellectuels alternatifs se sont levés

Venus de toutes les familles de pensée, de la gauche (Frédéric Lordon, Jacques Généreux, Emmanuel Todd, Jean-François Kahn ce week-end sur son blog dans un très bon papier), du libéralisme humaniste (Jean-Luc Gréau, Maurice Allais ), du libéralisme étasunien (Paul Krugman, Joseph Stiglitz, Robert Reich ) ou d’ailleurs (Jacques Sapir, Paul Jorion ), un nombre toujours plus important d’économistes et d’intellectuels nous proposent des solutions pour refonder le système économique. Je vous propose ici les 18 mesures emblématiques que j’ai retenues. Oui, un autre monde est possible !

Assurer une meilleure contribution de la finance à la collectivité

1.    Confier à nouveau la création monétaire à l’Etat : il n’est pas normal que les banques puissent aujourd’hui emprunter à 1% auprès des banques centrales pour prêter ensuite aux Etats entre 3 et 7%. L’Etat doit reprendre le contrôle de la création monétaire et retrouver la possibilité de monétiser sa dette s’il le souhaite, en revenant sur la loi de 1973. Cela sera sans doute la solution pour éviter une dépression en Europe.

2.    Instaurer une taxe Tobin significative (0.1 à 1%) sur toutes les transactions financières : cela permettra de faire davantage contribuer le monde financier à la collectivité tout en réduisant la spéculation à court terme, dont les coûts seront alors démultipliés. En outre, cela permettrait de réduire le fardeau des dettes contractées par les Etats pour sauver le monde de l’implosion financière.

3.    Instaurer une taxe sur les fusions et acquisitions : les rachats d’entreprise sont souvent l’occasion pour les actionnaires d’extraire toujours plus de valeur sous la forme de licenciements. Ce coût pour la collectivité devrait être compensé par une taxe exceptionnelle fonction du montant de la transaction, ce qui limiterait également les rachats d’entreprise à l’utilité douteuse.

4.    Créer un grand pôle public bancaire : aujourd’hui, les immenses profits des activités de détail des banques en France et dans le monde montrent que cette activité est un oligopole absolument pas concurrentiel qui vit telle une sangsue sur le dos de l’économie réelle et de ses clients. L’Etat pourrait instaurer une plus grande concurrence en créant une grande banque publique (autour de LCL ?) qui proposerait ses services à des tarifs raisonnables.

5.    Mettre fin à la course sans fin et mortifère à la rentabilité : hier, il fallait dégager 5% de rentabilité sur capitaux investis, aujourd’hui 15%, demain 25% ? Pour éviter que les fruits de la croissance ne soient totalement vampirisés par les actionnaires, comme le recommande Frédéric Lordon, nous pouvons mettre en place un SLAM (Shareholder Limited Authorized Margin), une limite au-delà de laquelle l’Etat taxe de manière confiscatoire (90% par exemple) toute rémunération supplémentaire, à la manière de Franklin Roosevelt.

6.    Encadrer strictement les bonus : quand tout va bien, les banquiers touchent des bonus colossaux et quand tout va mal, ils sont aidés par l’Etat et si leurs bonus sont réduits, il n’en reste pas moins très confortables. Il faut donc instaurer une nouvelle tranche d’IR pour les très hauts salaires (au-delà de 500 000 euros), et systématiser l’étalement du paiement du bonus ainsi que la possibilité de bonus négatifs.

Réellement encadrer le système financier

1.    Séparer à nouveau les banques de dépôt et d’affaires : pour protéger les banques de dépôt des excès des marchés, la Grande Dépression avait enfanté le Glass Steagall Act. Son abrogation par l’administration Clinton porte une lourde part de responsabilité dans la crise et il faut donc revenir dessus.

2.    Interdire toute transaction avec les paradis fiscaux : les normes de l’OCDE sont une sinistre plaisanterie. Les paradis fiscaux ont simplement conclu des conventions de partenariat avec quelques micro-Etats pour échapper à l’opprobre international. Pourtant, au moins à l’échelle européenne, un véritable blocus permettrait de mettre fin à ces trous noirs de l’argent sale et du moins-disant fiscal.

3.    Remettre en place un contrôle des mouvements de capitaux : la crise asiatique nous a enseigné que les pays qui encadrent les mouvements de capitaux sont moins sensibles aux crises financières. L’anarchie financière fait que les errements du marché immobilier étasunien sème la désolation sur la planète entière. Comme dans les bateaux, il est donc crucial de compartimenter les cales en remettant des frontières financières pour éviter qu’une seule voie d’eau ne menace de faire couler à elle seule l’économie mondiale.

4-    S’assurer que les agences de notation font leur travail : la crise a fait apparaître les limites d’un système où les agences sont à la fois juges et parties puisqu’elles doivent évaluer les institutions financières qui sont également leurs clients pour la certification de leurs produits. Il est impératif de séparer la fonction de conseil de celle d’évaluation pour éviter les conflits d’intérêt patents apparus pendant la crise

5-    Créer une seule agence de supervision financière : les dirigeants politiques ont tendance à multiplier les organismes de surveillance du système financier. Malheureusement, le système a besoin pour sa stabilité d’un organisme fort, répondant directement au ministre des finances de manière à ce que les politiques prennent toute leur part de responsabilité.

6-    Revenir sur les normes de comptabilité « marked to market » : le comité Bâle 2 avait établi un changement majeur dans la comptabilité des entreprises, mettant en place une comptabilisation des actifs à la valeur des marchés (au lieu de la valeur d’achat). Cette mesure a créé un double cercle vicieux. En période de croissance, cela démultiplie les capacités de financement, et donc favorise les bulles. En période de krach, cela accélère les baisses, la chute des cours imposant de vendre pour restaurer les ratios, faisant davantage plonger les cours et provoquant une nouvelle dépréciation…

Limiter les excès du monde de la finance

1.    Réduire l’effet de levier des institutions financières : aujourd’hui, avec des montages, il est possible de placer 100 avec à peine 1 de capital. Il est essentiel de proposer des normes prudentielles qui assurent la stabilité du système financier. Les normes de Bâle 2, conçues par les banques, étaient insuffisantes (8% de capitaux propres). Les politiques doivent reprendre la main et définir de nouvelles normes au regard de la crise de 2008 (quitte à imposer 15% de capitaux propres et plus encore sur les produits les plus risqués). Les normes pourraient également être d’autant plus strictes que les produits sont complexes…

2.    Interdire ou encadrer très strictement les LBO : certains fonds de placement utilisent cette technique qui revient à faire payer par l’entreprise que l’on rachète l’emprunt utilisé pour la racheter. Cette technique permet alors de déduire fiscalement les pertes financières des profits, ce qui permet d’éviter de payer des impôts…

3.    Interdire la titrisation et le hors-bilan : la gravité de la crise s’explique en partie par les mécanismes que les banques ont utilisé pour passer outre les normes prudentielles. Certains banques ont ainsi réussi à placer un tiers de leurs actifs hors bilan, en-dehors de toutes règles. La titrisation leur a également permis de transformer des créances contre lesquelles elles devaient conserver des capitaux propres en titres qui leur permettaient d’emprunter davantage ! Ces pratiques doivent être interdites

4.    Interdire les achats à découvert : les achats à terme ou à découvert permettent de spéculer à la baisse sur la valeur d’un titre en prenant une option d’achat que l’on revend au prix du jour pour faire baisser le cours, de manière à empocher la différence. Ils ont momentanément été interdits pendant la crise. Cette interdiction devrait être définitive.

5.    Interdire la spéculation sur les matières premières : l’envolée du prix des matières premières jusqu’à la mi-2008 avait pour principale raison le report de la spéculation suite aux baisses du marché de l’immobilier et de la bourse. Mais cette spéculation peut affamer des populations. Des règles extrêmement strictes doivent être mises en place pour éviter une redite (ne permettre l’achat de dérivés qu’à des professionnels capables de réceptionner la marchandise par exemple).

6.    Interdire les dark pools  : à mille lieues du discours de transparence des partisans de la déréglementation, cette nouvelle invention consiste à assurer l’opacité des ventes et achats de titres, ce qui augmente encore l’instabilité du système.

Naturellement, cette contribution n’a pas l’ambition d’être définitive mais plutôt de susciter un débat sur les moyens de remettre la finance au service de l’ensemble de l’économie et des citoyens. Tout commentaire sera le bienvenu ! Demain, j’étudierai les modalités de mise en place de cette réforme.
Faire ce que l'on veut ou bien vouloir ce que l'on fait