Un passage du tome IV du "Combat Ordinaire" de Manu Larcenet :
"On ne peut pas être déçu quand on s'attend à rien. 82% des électeurs se découvrent des opinions et tout le monde trouve cela extraordinaire. Moi je trouve cela inquiétant. 35 ans de militantisme m'ont laminés les idées, c'est pas un beau paradoxe ça ? Le militant par définition ne peut se remettre en question, ni avoir tort et ça c'est le plus haut degré de la malhonnêteté intellectuelle.
C'est ça avoir des opinions, ça permet de faire le tri du monde à peu des frais. Alors soudain le monde se sent pousser des opinions, c'est qu'on se sent concerné quand on a des opinions, on se donne l'illusion de la lutte parce que c'est à la mode, ça fait citoyen.
Mais ce sont des luttes bon marché, qui permettent de rentrer à la maison pour le 20h. Des combats qui se résumeront à évoquer qui de Jaurès, qui de De Gaulle au diner, entre les raviolis et le caprice des dieux avant d'aller mollement glisser son bulletin dans les urnes. Je me méfie de ceux qui se découvre des élans patriotiques les soirs d'élection. C'est souvent pour se dédouaner des porter des baskets fabriquées par des enfants philippins pour aller faire du jogging au parc le dimanche matin.
Combien d'entre nous ont suffisamment de culture pour ne serait ce que comprendre ce pour quoi ils votent ? On ne votent pas pour un système de société mais pour le reflet médiatique le plus rassurant ou pire par tradition familiale ! On peut alors s'illusionner à se croire important, c'est gratifiant mais une fois le guignol élu nous redeviendrons négligeable. Les gens ne votent pas pour que les choses changent, le changement ça fait trop peur, mais peut se le reprocher, le monde est un chaos assourdissant et sans espoir.
Par exemple les barbus, de la race millénaire des joyeux bourreaux, premiers de la classe en récitation et qui pensent sans rire et sans honte ne pas tuer des hommes en tuant des "mécréants" (valable pour les autres religions officielles ne notre époque : que dire des protestants à la Bush, des catholiques ou des juifs intégristes . . .), et dans le camp d'en face les patrons de la haute finance internationale, esclaves béats de leurs propres trésors. . . Tous des bourreaux à saigner d'entiers continents, à condamner des populations comme on mets un coup de pelle sur le crâne du vieux chien devenu inutile. En voilà des gens avec des opinions, le mondes est pourri de gens avec des opinions !
Et le plat de résistance, il y a les immigrés. Ils font peur eux aussi. Une peur inchangée depuis toujours, l'étranger. Même si ce sont les premiers à mettre la main dans le ciment, ils font peur, c'est un mystère. Et puis ils sont pauvres, avoir des voisins pauvres à côté de chez soi à portée de voix, c'est un peu comme si on devenait des leurs, sans compter que ça dévalorise l'immobilier du quartier. Alors on les met ailleurs, entre eux et quand il faut ajuster le discours électoral on les renvoie chez eux. Mais c'est qu'entre temps les générations ont passé et les mômes eux, sont salement français, ils sont chez eux.
Alors on remet doucement le couvercle sur tout ça en se disant que si ça bout trop fort, il n'y aura qu'à faire de nouvelles lois et remplir les prisons avec une sévérité nouvelles.
. . . . . . . . Alors on peut se dire qu'il reste à prendre les plaisirs là où ils sont tant qu'on le peut encore, mais on ne peut pas raisonner comme ça, ça reviendrai à accepter que le résultat prime, et ceux qui pensent cela ne se soucient pas du processus et c'est pourtant le processus qui fait les civilisations. . . . . . on peut se demander quel monde pourri on laissera à nos enfants, mais aujourd'hui ce n'est plus une vue de l'esprit mais du concret."
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