mercredi 2 juin 2010

Crise: on a oublié que c'est grâce à l'ouvrier que le riche est riche

Avec France-Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. D'après lui, la situation économique de notre pays vient de la structure même de l'emploi en France, qui favorise le secteur

Le nombre de demandeurs d’emplois augmente fortement en avril : l’occasion de parler du contenu de l’emploi.
Le chômage repart à la hausse, après une très légère embellie en début d’année. Depuis 2008, depuis que la crise s’est installée, c’est près de 700000 chômeurs de plus qui sont apparus. Ce qui est considérable. Et sur le mois d’avril, les plus faibles une fois de plus sont touchés, c’est à dire les plus jeunes, et les femmes. Comment combattre cette baisse de l’emploi ? C’est ici qu’il faut citer une phrase très célèbre du père de l’économie politique : Adam Smith. Smith pensait que seul le travail créait de la richesse. Tous les grands économistes ont admis que le travail, et lui seul, créait de la richesse. Et Smith dit ceci : « lorsque j’embauche un ouvrier, je m’enrichis, lorsque j’embauche un domestique, je m’appauvris » … 

Pourtant il s’agit bien de travail dans les deux cas...

Et même de travail pénible dans les deux cas. Sauf que le travail de l’ouvrier crée de la richesse, alors que celui du domestique n’en crée pas. Pourquoi ? Voilà ce que voulait dire Smith : l’ouvrier participe à la production de marchandises utiles à la nation, et cette production, elle-même, entretient les travailleurs, source de toute richesse. En revanche le domestique vit sur la richesse de son employeur, et constitue une dépense somptuaire de ce même employeur. Il n’a pas d’utilité sociale. Tout ça pour en venir à la structure de l’emploi en France.

Il s'agit de la chute de l'emploi industriel. La tendance est depuis longtemps à la quasi disparition des emplois dans l’agriculture, à la baisse des emplois industriels, et à l’explosion des emplois dans les services. L’une des manières utilisées pour combattre la baisse de l’emploi est de favoriser les emplois à la personne. Les emplois à la personne relèvent-ils du travail productif (comme les ouvriers) ou improductifs (comme les domestiques) ? Si l’on sit la théorie du père du libéralisme, Adam Smith donc, ce n’est pas en substituant du travail domestique à du travail industriel qu’on enrichit la nation. Or toute la politique de l’impôt en France menée depuis quelques années, et particulièrement celle de l’impôt sur le revenu, est destinée à créer des emplois en favorisant les services à la personne.

D’où la chute de l’impôt sur le revenu

D’où la chute de l’impôt sur le revenu, le seul impôt progressif. Il représente 6.5% des impôt en France aujourd’hui, il représentait 9% en 1990. Parmi les 36 millions de foyers fiscaux, seulement 45% payent l’impôt sur le revenu qui représente 54.5 milliards. Avec le système des niches fiscales, l’Etat perd 38 milliards d’euros. D’après Gilles Carrez, rapporteur UMP du budget, « plus un contribuable à des revenus élevés, moins il paye d’impôt en proportion ». Mais surtout la question essentielle à poser est la suivante : en admettant que cette politique de l’offre serve à créer de l’emploi, quel type d’emploi crée-t-elle ? Malgré toutes les bonnes intentions de la défiscalisation pour la création d’emploi, création d’emploi ne veut pas dire création de richesse. C’est tout le paradoxe de l’ouvrier et du domestique cher à Adam Smith. 
Faire ce que l'on veut ou bien vouloir ce que l'on fait