Les allemands seraient vertueux
Autre cliché et autre mythe, que cette « vertu » allemande que l’on oppose aux autres pays, dont la Grèce et la France. De fait, l’Allemagne n’est pas spécialement vertueuse (si tant est que ce mot ait un sens en économie) mais elle vit aux dépens de ses voisins. Si la « vertu » a un sens, c’est bien par l’investissement que l’on devrait la mesurer, car elle implique alors des sacrifices au présent pour préserver l’avenir. Mais, dans ce cas, la France et l’Italie sont bien plus « vertueuses » que ne l’est l’Allemagne (graphique 3).
Source : Eurostat
Si l’on regarde la question des dettes (et du total de ces dernières et non de la simple dette publique), ici encore c’est une autre image que l’on obtient.
Source : Eurostat, Bank of England.
En matière de dette totale, la France fait ainsi mieux que l’Allemagne, qui pourtant ne cesse de donner des leçons. L’Espagne (zone Euro) et la Grande-Bretagne (hors zone Euro) sont à l’évidence les « mauvais élèves ». Mais, même un pays comme l’Italie, en dépit d’une forte dette publique, n’est pas si mal placé sur le total des dettes.
D’où vient alors le « succès » allemand ? D’un politique d’exploitation de ses voisins ! Par sa politique fiscale l’Allemagne a réalisé l’équivalent d’une dévaluation de 10% au sein de la zone Euro. Autrement dit, non contente de paralyser ses partenaires, elle a accru son avantage à leurs dépens, au moment où sa balance commerciale avec les pays d’Asie (et la Chine en particulier) devenait négative. C’est cette politique qui pose problème aujourd’hui et qui compromet les chances de survie de la zone Euro.
Encore faut-il demander à qui cette politique profite en Allemagne.
Les données pour des comparaisons internationales sont relativement fragmentaires. D’après un travail réalisé à l’OCDE en 2008, on peut cependant constater que, en longue période, la part des 1% les plus riches dans le revenu national est en Allemagne sensiblement supérieure de ce qu’elle est en France. Ainsi, le mythe d’une Allemagne « vertueuse » ne ferait que masquer une réalité plus triviale : les rapports de forces bien plus favorables au capital qu’au travail. Les Allemands ne sont pas vertueux, ils sont plus exploités (graphique 3).
Source : OCDE
On retrouve ici l’inanité qu’il y a à parler de « vertu » en économie. La vérité est que les politiques ne sont ni « vertueuses » ni « non vertueuses ». Au mieux peut-on s’interroger sur leur durabilité, que ce soit dans le cadre national ou international. Il est ici clair que l’Allemagne a une politique de répartition, qui engendre le reste de sa politique, qui n’est pas durable ou « soutenable » dans le cadre de la zone Euro.
Certes, la situation n’y atteint pas les extrêmes des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Mais l’écart de répartition est très significatif. Rappelons enfin que, depuis l’après-guerre, la croissance allemande a été plutôt inférieure à la croissance en France et en Italie (Graphique 4).
En fait, ce sont bien des pays qui ont été systématiquement présentés comme « non-vertueux » (la France et l’Italie) qui ont obtenu les meilleurs résultats sur longue période. Le niveau de la productivité en France (graphique 1) le montre.
La fascination de certains pour une « vertu » allemande supposée a de biens étranges échos. Elle est, en France, au service d’une bien étrange politique.
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