Maurice Allais est parti rejoindre Georges Charpak au paradis des Prix Nobel français. Seul et unique Prix Nobel d’économie français (1988), Maurice Allais est décédé ce samedi 09 octobre 2010, à l’âge de 99 ans.
Brillant polytechnicien, il sortira major de sa promotion en 1933, et choisira ensuite le corps des mines. Rien alors ne le prédestinait à s’orienter vers les sciences économiques. Ses premiers travaux l’orientent au contraire vers les sciences du concret et les expériences de physique fondamentale, sur lesquelles il publiera d’ailleurs de nombreux ouvrages, notamment sur les oscillations pendulaires et les lois de la gravitation. Tout au long de sa vie, il restera passionné par cette science, alors même que ce sont ses théories économiques qui lui vaudront de recevoir la récompense suprême.
La petite histoire veut que sa rencontre avec l’économie coïncide avec son premier voyage aux États-Unis, pendant l’été 1933, en plein milieu de la Grande Dépression. Il est choqué par les conséquences sociales désastreuses qu’elle provoque et par le fait que personne n’en comprenne véritablement l’origine. C’est cette ignorance qui le poussera à vouloir l’analyser pour tenter d’en démonter les mécanismes et éviter qu’une telle crise puisse se reproduire ailleurs dans le monde.
Depuis des années, Maurice Allais se battait contre l’hostilité permanente à l’égard de toute forme de protectionnisme, qui, disait-il, se fonde depuis soixante ans sur une interprétation erronée des causes fondamentales de la Grande Dépression.
« En fait, la Grande Dépression de 1929-1934, qui à partir des Etats-Unis s’est étendue au monde entier, a eu une origine purement monétaire et elle a résulté de la structure et des excès du mécanisme du crédit. Le protectionnisme en chaîne des années trente n’a été qu’une conséquence et non une cause de la Grande Dépression. Il n’a constitué partout que des tentatives des économies nationales pour se protéger des conséquences déstabilisatrices de la Grande Dépression d’origine monétaire. »
Ardent défenseur, depuis plusieurs années, d’un protectionnisme raisonné et raisonnable, il s’était penché sur les effets destructeurs de la mondialisation. Depuis 1974, et les débuts du libre-échangisme comme doctrine dominante, la France a connu une croissance massive du chômage, une réduction drastique des effectifs de l’industrie et une réduction très marquée de la croissance.
Toute son analyse montre ainsi que la libéralisation totale des mouvements de biens, de services et de capitaux à l’échelle mondiale, objectif affirmé de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à la suite du GATT, doit être considérée à la fois comme irréalisable, comme nuisible, et comme non souhaitable. Comme il le disait si bien : « La mondialisation, on ne saurait trop le souligner, ne profite qu’aux multinationales. Elles en tirent d’énormes profits. » !
Dans un livre publié en 2005 et intitulé « L’Europe en crise, que faire ? Réponses à quelques questions », Maurice Allais tirait quatre conclusions fondamentales de son analyse de la mondialisation :
- Une mondialisation généralisée des échanges entre des pays caractérisés par des niveaux de salaires très différents aux cours des changes ne peut qu’entraîner finalement partout dans les pays développés : chômage, réduction de la croissance, inégalités, misères de toutes sortes. Elle n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable.
- Une libéralisation totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est possible, et elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés et de développement économique et social comparable.
- Il est nécessaire de réviser sans délai les Traités fondateurs de l’Union Européenne, tout particulièrement quant à l’instauration indispensable d’une préférence communautaire.
- Il faut de toute nécessité remettre en cause et repenser les principes des politiques mondialistes mises en œuvre par les institutions internationales, tout particulièrement par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
« Le véritable fondement du protectionnisme, sa justification essentielle et sa nécessité, c’est la protection nécessaire contre les désordres et les difficultés de toutes sortes engendrées par l’absence de toute régulation réelle à l’échelle mondiale. Il est tout à fait inexact de soutenir qu’une régulation appropriée puisse être réalisée par le fonctionnement des marchés tel qu’il se constate actuellement. »
Sa vision du protectionnisme intelligent, raisonnable et raisonné, consistait à recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Simple, clair, et tellement évident !
Mais Maurice Allais était boudé par les médias, à l’exception de quelques-uns (liens ci-dessous), vraisemblablement pour cause de non-adhésion aveugle à la doctrine libérale en cours. Puisse la raison venir à ceux qui découvriraient ses positions à l’occasion de sa disparition.
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