jeudi 4 juin 2009

Le mystère de l'argent

L'ile des naufragés

Fable qui fait comprendre le mystère de l'argent

par Louis Even

«L'Île des naufragés» fut l'un des premiers écrits par Louis Even, et demeure l'un des plus populaires pour faire comprendre la création de l'argent. Il est disponible sous forme de circulaire de 8 pages (format tabloïd), que vous pouvez commandez de Vers Demain, en plusieurs langues: français, anglais, espagnol, italien, allemand, polonais, portugais.

1. Sauvés du naufrage

Une explosion a détruit leur bateau. Chacun s'agrippait aux premières pièces flottantes qui lui tombaient sous la main. Cinq ont fini par se trouver réunis sur cette épave, que les flots emportent à leur gré. Des autres compagnons de naufrage, aucune nouvelle.

Depuis des heures, de longues heures, ils scrutent l'horizon: quelque navire en voyage les apercevrait-il? Leur radeau de fortune échouerait-il sur quelque rivage hospitalier?

Tout à coup, un cri a retenti: Terre! Terre là-bas, voyez! Justement dans la direction où nous poussent les vagues!

Et à mesure que se dessine, en effet, la ligne d'un rivage, les figures s'épanouissent. Ils sont cinq:

François, le grand et vigoureux charpentier qui a le premier lancé le cri: Terre!

Paul, cultivateur; c'est lui que vous voyez en avant, à gauche, à genoux, une main à terre, l'autre accrochée au piquet de l'épave;

Jacques, spécialisé dans l'élevage des animaux: c'est l'homme au pantalon rayé qui, les genoux à terre, regarde dans la direction indiquée;

Henri, l'agronome horticulteur, un peu corpulent, assis sur une valise échappée au naufrage;

Thomas, le prospecteur minéralogiste, c'est le gaillard qui se tient debout en arrière, avec une main sur l'épaule du charpentier.

2. Une île providentielle

Remettre les pieds sur une terre ferme, c'est pour nos hommes un retour à la vie.

Une fois séchés, réchauffés, leur premier empressement est de faire connaissance avec cette île où ils sont jetés loin de la civilisation. Cette île qu'ils baptisent L'Île des Naufragés.

Une rapide tournée comble leurs espoirs. L'île n'est pas un désert aride. Ils sont bien les seuls hommes à l'habiter actuellement. Mais d'autres ont dû y vivre avant eux, s'il faut en juger par les restes de troupeaux demi-sauvages qu'ils ont rencontrés ici et là. Jacques, l'éleveur, affirme qu'il pourra les améliorer et en tirer un bon rendement.

Quant au sol de l'île, Paul le trouve en grande partie fort propice à la culture.

Henri y a découvert des arbres fruitiers, dont il espère pouvoir tirer grand profit.

François y a remarqué surtout les belles étendues forestières, riches en bois de toutes sortes: ce sera un jeu d'abattre des arbres et de construire des abris pour la petite colonie.

Quant à Thomas, le prospecteur, ce qui l'a intéressé, c'est la partie la plus rocheuse de l'île. Il y a noté plusieurs signes indiquant un sous-sol richement minéralisé. Malgré l'absence d'outils perfectionnés, Thomas se croit assez d'initiative et de débrouillardise pour transformer le minerai en métaux utiles.

Chacun va donc pouvoir se livrer à ses occupations favorites pour le bien de tous. Tous sont unanimes à louer la Providence du dénouement relativement heureux d'une grande tragédie.

3. Les véritables richesses

Et voilà nos hommes à l'ouvrage. Les maisons et des meubles sortent du travail du charpentier. Les premiers temps, on s'est contenté de nourriture primitive. Mais bientôt les champs produisent et le laboureur a des récoltes.

A mesure que les saisons succèdent aux saisons, le patrimoine de l'île s'enrichit. Il s'enrichit, non pas d'or ou de papier gravé, mais des véritables richesses: des choses qui nourrissent, qui habillent, qui logent, qui répondent à des besoins.

La vie n'est pas toujours aussi douce qu'ils souhaiteraient. Il leur manque bien des choses auxquelles ils étaient habitués dans la civilisation. Mais leur sort pourrait être beaucoup plus triste.

D'ailleurs, ils ont déjà connu des temps de crise au Canada. Ils se rappellent les privations subies, alors que des magasins étaient trop pleins à dix pas de leur porte. Au moins, dans l'Île des Naufragés, personne ne les condamne à voir pourrir sous leurs yeux des choses dont ils ont besoin. Puis les taxes sont inconnues. Les ventes par le shérif ne sont pas à craindre.

Si le travail est dur parfois, au moins on a le droit de jouir des fruits du travail.

Somme toute, on exploite l'île en bénissant Dieu, espérant qu'un jour on pourra retrouver les parents et les amis, avec deux grands biens conservés: la vie et la santé.

4. Un inconvénient majeur

Nos hommes se réunissent souvent pour causer de leurs affaires.

Dans le système économique très simplifié qu'ils pratiquent, une chose les taquine de plus en plus: ils n'ont aucune espèce de monnaie. Le troc, l'échange direct de produits contre produits, a ses inconvénients. Les produits à échanger ne sont pas toujours en face l'un de l'autre en même temps. Ainsi, du bois livré au cultivateur en hiver ne pourra être remboursé en légumes que dans six mois.

Parfois aussi, c'est un gros article livré d'un coup par un des hommes, et il voudrait en retour différentes petites choses produites par plusieurs des autres hommes, à des époques différentes.

Tout cela complique les affaires. S'il y avait de l'argent dans la circulation, chacun vendrait ses produits aux autres pour de l'argent. Avec l'argent reçu, il achèterait des autres les choses qu'il veut, quand il les veut et qu'elles sont là.

Tous s'entendent pour reconnaître la commodité que serait un système d'argent. Mais aucun d'eux ne sait comment en établir un. Ils ont appris à produire la vraie richesse, les choses. Mais ils ne savent pas faire les signes, l'argent.

Ils ignorent comment l'argent commence, et comment le faire commencer quand il n'y en a pas et qu'on décide ensemble d'en avoir... Bien des hommes instruits seraient sans doute aussi embarrassés; tous nos gouvernements l'ont bien été pendant dix années avant la guerre. Seul, l'argent manquait au pays, et le gouvernement restait paralysé devant ce problème.

5. Arrivée d'un réfugié

Un soir que nos hommes, assis sur le rivage, ressassent ce problème pour la centième fois, ils voient soudain approcher une chaloupe avironnée par un seul homme.

On s'empresse d'aider le nouveau naufragé. On lui offre les premiers soins et on cause. On apprend qu'il a lui aussi échappé à un naufrage, dont il est le seul survivant. Son nom: Martin Golden.

Heureux d'avoir un compagnon de plus, nos cinq hommes l'accueillent avec chaleur et lui font visiter la colonie.

— «Quoique perdus loin du reste du monde, lui disent-ils, nous ne sommes pas trop à plaindre. La terre rend bien; la forêt aussi. Une seule chose nous manque: nous n'avons pas de monnaie pour faciliter les échanges de nos produits.»

— «Bénissez le hasard qui m'amène ici! répond Martin. L'argent n'a pas de mystère pour moi. Je suis un banquier, et je puis vous installer en peu de temps un système monétaire qui vous donnera satisfaction.»

Un banquier!... Un banquier!... Un ange venu tout droit du ciel n'aurait pas inspiré plus de révérence. N'est-on pas habitué, en pays civilisé, à s'incliner devant les banquiers, qui contrôlent les pulsations de la finance?


La suite sur : http://www.michaeljournal.org/ilenauf.htm

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Faire ce que l'on veut ou bien vouloir ce que l'on fait